Imaginez :
On est un samedi matin, vous vous réveillez, l’envie de vous faire plaisir… NON, pas comme ça.
Vous avez 40 plaques qui dorment sur un compte dont les intérêts vous rapportent 71 cents tous les 11 ans. Frustré(e) de cette situation, vous décidez alors que, cet argent, vous allez l’utiliser à bon escient.

Et quel meilleur investissement qu’une voiture en 2022 quand on voit que le prix de l’ensemble des bagnoles plaisir grimpe en flèche, tant sur le neuf (allez demander à Porsche, qui n’arrive pratiquement plus à placer des bagnoles neuves dans leurs showroom) que sur l’occasion (allez, demandez-moi que je vous raconte une quinzaine d’histoires qui commencent par « celle-là j’aurais dû l’achetée, t’as vu la cote aujourd’hui ? »).

Mais à 40 000 euros, on a quoi qui peut-être fun, vraiment fun et génial à conduire si pas piloter ?
Plein de choses…
Un Boxster/Cayman 987 I ou II ? vraiment fun ?
Une Ford Mustang ? J’ai dit fun et génial à conduire.
Une vieille TT-RS ? Autant prendre une Golf, y’a 4 vraies places.
Une Civic Type-R ? Mmh… Traction, pas fun.
Une Lancer Evo 6 ? Ça serait probablement aussi dingue que déceptif.
Une S2000 ? Bon moteur, bon châssis… why not!
Une 911 996 ? Quitte à s’acheter une « Poorsche »…

Mon choix s’est porté sur une neuve et une occas.
En neuf : La Toyota GR86, summum du fun automobile abordable, tellement abordable face à la concurrence qu’on la taxera bientôt de voiture de communiste.

Face à ça, en occas’ : L’automobile qui aura mouillé plus d’un slip, parlez-moi de la M3 E46. Dites-moi à quel point c’est la quintescence de la conduite automobile. Avec son architecture moteur avant, propulsion, pont autobloquant, boîte manuelle et surtout… le dernier vrai six en ligne atmo BMW avec papillons d’admission individuel. Avec aussi, ce design intemporel. Quel bagnole peut se targuer d’avoir aussi bien vieilli sans pour autant dire qu’elle paraît vieille ? Quand on voit ce que BMW fait aujourd’hui en terme de design, ils nous donnent plus envie d’apprécier leurs youngtimers que leurs nouveaux modèles.

Sur le papier, elles partagent quelques traits philosophiques qu’on qualifiera de pré-requis pour ce test.
Comment est-ce que ça se traduit dans la vraie vie (pas sur Gran Turismo non, dans la vraie vie, avec les nids de poule, 5500€ de taxe de mise en circulation et l’octane 98 à 2,35€ le litron) ?

Vous allez être surpris(e)

Toyota GR86 et BMW M3 E46

Le but de cette comparaison va être simple. Il suffira de répondre à la question : laquelle procure l’expérience de conduite la plus complète, la plus appréciable et la plus jouissive ?

Sur le papier

D’un côté, la GR86, c’est 234 chevaux, 250Nm de couple venant d’un moteur 2.4l qui a de plat son architecture et sa courbe de couple, le tout pour un poids contenu de 1275 kg de fun à l’état brut.
Avec ses chaussettes « glisse-friendly » en 215, même si on parle ici de Pilot Sport 4, on est sur un état d’esprit radicalement à l’opposé de la mouvance du « toujours plus », toujours plus vite, toujours plus rapide, toujours plus… Ici, ce sont les choix malins qui ont primé, comme par exemple :
– Un moteur boxer pour un centre de gravité au plus bas
– De fins pneus pour favoriser la glisse tout en y allant molo sur le portefeuilles
– Un autobloquant de série
– Et surtout, une voiture entièrement développée pour servir cette philosophie. On ne parle pas ici d’un modèle surgonflé d’une version existante

A côté de ça, la légende, la BMW M3 E46 (ici en version cabrio).
1655 lourds kilogrammes embarquant le moteur le plus emblématique jamais sorti de Bavière : le S54 et ses six cylindres alimentés en air par autant de papillons d’admission et qui sortent 343 chevaux et 365Nm de couple. Ajoutez à cela, une direction hydraulique reliée au sol par de larges pneus en 275 et vous êtes aux commandes, sur le papier, de ce qui se fait de mieux dans le monde de l’automobile analogique.

Les matheux auront déjà fait le calcul :

  • GR86 : 5,42 kilo par cheval
  • M3 E46 : 4,82 kilo par cheval

Avantage sensible pour la M3. Mais comment est-ce que ça se traduit au volant ?

Dans la vraie vie

Le cadre de ce test est parfait. Des petites routes boisées à perte de vue.

TOYOTA GR86

Toyota GR86 Rouge Arriere Back

Je viens de passer 5 jours au volant de la Toyota GR86, au point de m’y faire complètement, ce, alors que je viens de 7 années passées avec sa génitrice, la Toyota GT86. La transition aura demandé quelques ajustements mais une fois l’initiation passée, quel plaisir… le couple est là, quand on en a besoin, sans pour autant vous briser les cervicales, évidemment. Avec 250Nm pas de quoi tracter un 18 tonnes. Mais c’est pertinent et parfaitement en phase avec ce que le châssis et son poids très contenu peut offrir.

Quand on attaque les courbes, c’est là que le fun (re)démarre. Ça communique bien, ça demande poliment avec de décrocher, les sensations sont saines et le tout est contrôlé.
Par contre, ça décroche parfois de l’avant, jamais brutalement, mais ça, je n’y suis pas habitué. Elle sous-vire légèrement en entrée de courbe cette GR. Et sa direction, un poil moins directe que celle de la GT86, bizarrement, demande un temps d’adaptation. La direction est également un peu plus légère que sur la GT ce qui donne l’impression de moins bien communiquer et de filtrer davantage les informations du tarmac, sans pour autant être catastrophique, mais c’est à noter.

Parlant de communication, celle-ci ne passe pas que par la direction. C’est peut-être l’effet « voiture neuve » mais l’ensemble paraît beaucoup plus compacte, rigide (pas tape-cul), cohérent… comme la sensation d’être « d’une pièce »… Les interactions entre les différents éléments de la voiture paraîssent plus directes, plus linéaires… Une vraie symbiose réassurante qui contribue à embellir les interactions qu’on a avec la machine. Et que dire des sièges. Ils sont phénoménaux. Je ne sais pas comment ils sont parvenus à faire ça mais ils maintiennent mieux et dans un confort bien amélioré. Pas de compromis.
Point capital : leur architecture permet d’avoir une large amplitude avec les coudes, particulièrement appréciable quand on attaque ou qu’on a une prise de volant un peu basse, presque karting.

Mais il manque quelque chose, une dimension qu’aucune voiture plaisir ne peut négliger… et c’est le bruit. Musique d’échappement, symphonie d’admission… tout ça a été remplacé par un vulgaire haut-parleur qui vomit un bruit Gran Turismotesque. Bien que je m’y sois habitué et que, très franchement, il n’est pas si pire que ça, ça ne remplacera jamais une bonne ligne libérée ! Un problème vite réglé si on en croit la ribambelle de tuners déjà en train d’y travailler, riches de leur expérience sur les 10 dernières années à modifier la GT86.

Cette balade appuyée confirme mon ressenti des derniers jours. Ressenti que j’ai besoin de challenger et quel meilleur challenger qu’une BMW M3 E46. Allez, chercher.

BMW M3 E46

BMW M3 E46 back arriere

C’est le moment de changer de volant. 35 dégrés, décapoté, entouré d’une végétation qui, j’en suis sûr, prendra plaisir à me renvoyer à la tronche les harmoniques lyriques du six en ligne. Mais avant ça, on prend religieusement le temps d’apprécier une nouvelle fois les courbes et le design intemporel de cette bagnole.

Je me pose dans le bacquet. Et là, c’est le choc. Moi qui m’attendait à être dans une position sportive et un peu basse, là, c’est plutôt l’effet siège bébé comparé à la GR86.

Une fois dedans, les commandes sont typiques d’une BMW des années 2000. Un beau volant, une pédale de gaz au plancher et un levier de vitesses qui vous appelle comme une frite appelle la mayonnaise.

Mention de boomer pour le lecteur-cassette qui fera croire aux djeuns que c’est pour y mettre leur smartphone. Et puis…

« Je mets le code. Ensuite, je mets le contact. Et j’appuie sur le bouton rouge. Ah c’est… ça ne laisse pas indifférent ». Ouf que non. Il suffit de deux trois coups de gaz au point neutre pour réveiller les morts et le hooligan frénétique qui sommeille en chacun de nous. Je pensais que les 35 degrés et les sièges en cuir me faisait transpirer mais en fait non.

Quel son… autant devant, que derrière.
N’oubliez pas, on est un samedi matin. Autant dire qu’aujourd’hui, je vais en pourrir des grasses mat’.

Mais alors que la fête bat son plein dans mon froc, j’engage les premiers tours de roues et là, nouveau choc. Après la GR86, la M3 E46 paraît tellement lourde…

Je misais un maximum sur sa direction hydraulique qui aurait dû me rappeler de bons souvenirs et me communiquer le maximum d’information et de retours possibles du tarmac. J’avais en tête mes essais des Z4 E89, l’une en 3.0 N54 avec direction hydraulique et l’autre en 2.0l turbo direction électrique et la différence était absolument flagrante. Au point que je pensais retrouver la même sensation ici. Que du contraire… et grosse déception. Elle est beaucoup moins directe, plus fainéante, mais aussi très floue au point centrale. Question de réglage ? Peut-être, la voiture a tout de même 130kkm. Hormis ça, elle communique à vos mains en 6K haute-définition ce qu’il se passe sur le tarmac.

Et heureusement, car ça tient le pavé comme pas possible ! Les Pilot Sport en 275 transforme cette E46 en train de marchandises. Mais un train de marchandises qui peut transporter jusqu’à 4 gros veaux à 300kmh.

Au fur et à mesure qu’on attaque, les températures d’huile restent impeccable malgré mes sollicitations insistantes du S54. Retrograder en rev-matching relève tout simplement de l’orgasme. Orgasme d’autant plus jouissif lorsque qu’il est réalisé à l’aide de la pédale de gaz de plancher, en courbe, en talon-pointe.

Chaque tunnel se transforme en salle pour concerto acoustique du sextet d’instruments à vent qui crèche dans la baie moteur.

Mais je ne me sens pas connecté à la voiture. C’est peut-être une question d’habitude mais j’ai du mal à la placer, du mal à l’anticiper, du mal à cerner ses limites… Peut-être qu’elle me challenge plus qu’elle ne challenge la GR86. Me remet-elle en question ? Qui suis-je ? Suis-je nul ? Quel est le sens de la vie ? Est-ce mal de manger un routier dans son lit ?

Laquelle me procure le plus de sensation à son volant ?

BMW M3 E46 et Toyota GR86

La M3 E46 était un rêve de gosse. Un rêve probablement un peu idéalisé : des photos placadrées aux murs de ma chambre jusqu’au boss final de Need For Speed Most Wanted, cette bagnole a un capital onirique qu’il est difficile d’effacer.

Niveau performance, elle surpasse la GR86 mais finalement, pas tant que ça.
Le châssis de la GR86 est largement supérieure, l’amortissement également et la dynamique globale de la caisse est en faveur de la GR86, mais il ne faut pas oublier qu’il y a 20 ans entre ces deux voitures.

Disons que la M3 est brut de décoffrage, tout en muscle.
Une version parfaitement bodybuildée du bon père de la famille E46.
Mais pour les bagnoles comme pour les hommes, les plus musclés sont souvent un peu cons.

Face à ça, la GR86 fait des choix intelligents et les maximise pour en extraire le plein potentiel et créer une expérience de conduite que je dirais globalement supérieure. Ce n’est pas une question d’aller vite, pas une question de performance pure (il y a la Yaris GR pour ça). C’est une philosophie qui mise avant tout sur le plaisir, sur le contrôle et sur la récompense et ça demande à son conducteur d’adopter cette philosophie.

Personnellement, j’y adhère pleinement, mais fort est de constater que je fais partie d’une espèce en voie d’exctinction. Il faut des corones financières de la part de Toyota et Subaru pour oser sortir une bagnole pareille en 2022, alors qu’on condamnait déjà sa dévancière, la GT86.

Mais en terme d’expérience sensorielle, la M3 laisse une trace indélébile dans ma mémoire de rouge-gorge. Rien de la GR86 ne peut se targuer d’être aussi extrême que le simple rugissement du S54.
C’est l’un des meilleurs et plus emblématiques moteurs que le commun des mortels peut avoir l’occasion de posséder et d’apprécier.

Pour un fan de bagnole, il n’y a pas de mauvais choix… Les deux garderont leur côte car on se souviendra probablement de la GR86 comme la dernière vraie bagnole plaisir avec un grand P, à prix abordable avec un petit P.

Faites-vous plaisir.

Merci à Luc d’avoir pris le risque de me mettre derrière le volant de sa splendide BMW M3 E46.

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